Bénin, Mon cousin Ouanilo de retour à Abomey
Le cercueil du prince Arini Ouanilo a été exhumé du cimetière Nord de Bordeaux pour être rapatrié à Abomey. Le prince reposera désormais parmi les siens.
(Photo : AFP)
La dépouille du prince Ouanilo, fils de Béhanzin, dernier roi du Danhomè au centre de l’actuel Bénin, retrouvera sa terre natale. Son corps a été exhumé le 25 septembre 2006, du cimetière Nord de Bordeaux où il reposait depuis 1928. Le cercueil, drapé aux couleurs nationales et portant tous les attributs princiers, fera une escale à Cotonou avant le dernier voyage à Abomey, la capitale du royaume. Ouanilo y sera inhumé le jeudi 28 septembre 2006 dans un petit palais érigé en sa mémoire.
Le ministre béninois de la Culture de la jeunesse et des sports, Théophile Montcho et une délégation de la famille royale d’Abomey ont spécialement fait le voyage de Bordeaux. Le consul régional du Bénin, Pierre Michel Delgay avait organisé une cérémonie haute en couleurs et empreinte d’émotions. Mais avant qu’elle ne débute, un petit détail préoccupait le chef des cultes, descendant lui aussi du roi Béhanzin. Il avait la mission d’identifier le corps afin «d’éviter toute erreur sur la personne». Tel un légiste, il a trituré le crâne de la dépouille, puis il a remarqué le détail qu’il lui fallait. Il confirme à l’assistance qu’il s’agit effectivement du prince Ouanilo. Libation, louanges, danse funéraire «Zinli», comme dans la cour royale d’Abomey, ont pu alors être exécutées en toute quiétude. Après les formalités administratives d’usage, les restes du prince seront rapatriés au Bénin, le mercredi 27 septembre.
Pour la famille royale et les descendants du roi Béhanzin, l’exhumation du corps de Ouanilo a laissé un sentiment mêlé de joie, de peine et de fierté. Grâce à l’acharnement de Francis Awagbè Béhanzin, un commissaire de police de Cotonou, qui a conduit un véritable travail d’investigation de la Martinique à Bordeaux en passant par Blida en Algérie, la famille royale d’Abomey a retrouvé le prince héritier mort à l’étranger dont plus personne n’avait de traces depuis 1928.
Né en 1886, à Abomey, Ouanilo est parti en exil avec son père, le roi Béhanzin battu par l’armée française, en 1894. Leur première destination a été la Martinique, où ils vécurent de 1894 à 1906. Ouanilo y a fait ses études jusqu’en classe de terminal. Béhanzin, déjà très souffrant a été renvoyé en Afrique, en Algérie en avril 1906 et meurt la même année au mois de décembre. Il est enterré au cimetière Saint-Eugène d’Alger puis sa cour et ses épouses sont rapatriées au Dahomey. Seul Ouanilo est resté à Alger où il passa son baccalauréat avec une inscription à la clé en faculté de droit de Bordeaux en 1909. Il en sort avec une licence de droit en 1912, devient avocat stagiaire et s’inscrit au barreau de Paris en 1915. Mais il démissionna peu après pour se faire embaucher à la compagnie des chemins de fer du sud à Bordeaux.
Les inquiétudes de l’administration coloniale
En 1921, il effectua son premier voyage de retour au Dahomey qu’il avait quitté à l’âge de huit ans. Il y passe six mois, étroitement surveillé par l’administration coloniale qui préférait le savoir loin de son pays. Il avait vaguement été question de la reprise du trône, mais l’administration coloniale a eu peur de la «refondation» du puissant royaume du Danhomè, d’autant que le prince héritier Ouanilo a été à l’école française. Toutefois, les inquiétudes de l’administration coloniale ont été vite dissipées par la présence aux côtés du prince de Maria-Valentina Ducaud, fille du consul d’Argentine à Bordeaux. Le couple avait manifesté à plusieurs reprises la volonté de retourner à vivre Bordeaux. En effet, Ouanilo avait épousé en 1918 Maria-Valentina, issue de la bourgeoisie bordelaise.
Ouanilo, très attaché à son père, vécut comme une grande déchirure l’exil même après la mort de son père. Il obtint du gouvernement français que la dépouille de son père retourne à Abomey en mars 1928. Après les obsèques royales, il repartit avec son épouse Maria-Valentina, vers la France. Mais pris d’une grave crise de pneumonie, il meurt à l’hôpital militaire de Dakar le 19 mai 1928. Enterré sur place, Maria-Valentina exige et obtient le rapatriement de son corps à Bordeaux. L’enterrement eut lieu le 3 octobre 1928, au cimetière Nord de la ville. Et depuis la famille royale d’Abomey était restée sans nouvelle. Elle a aujourd’hui le sentiment d’une page qui se referme.
Francis Awagbè Béhanzin, à l’origine de cette reconstitution, pense maintenant à Maria-Valentina. Ses premières recherches révèlent qu’elle aurait vécu à Paris et y serait enterrée. Sa famille en France aurait entièrement disparu. Avec le prince Ouanilo, elle n’eut pas d’enfant mais, princesse du Danhomè, elle a aussi droit aux honneurs du royaume. C’est peut-être la prochaine mission de Francis Awagbè Béhanzin qui a le souci certainement de coller au plus près à la signification du prénom du prince. Ouanilo veut dire, en langue fon du Danhomè, «Tout acte posé par un homme doit entrer dans l’histoire».
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par Didier Samson
Article publié le 27/09/2006 Dernière mise à jour le 27/09/2006 à 13:08 T