LES 70 ANS DE ORCHESTRA ARAGON


CONCERT MÉMORABLE LE 22 MAI 2009 À Dakar, Sénégal.

 


L’épopée d’Orquesta Aragon commence en septembre 1939 à Cienfuegos, un petit port du centre de Cuba - troisième ville de l’île.  Un musicien contrebassiste nommé Oreste Aragon Cantero (également prothésiste dentaire à ses heures perdues) monte une formation sans cuivres, où les voix et la rythmique sont soutenues par des violons et une flûte. Ses musiciens étaient alors dockers ou roulaient du tabac le jour et jouaient le danzon la nuit.

 

Le groupe qui s’appelle Ritmica del 39, puis Ritmica Aragon avant d’adopter son nom définitif d’Orquesta Aragon fin 1940, joue aussi des valses et des airs espagnols à la mode. L’orchestre n’est sans doute qu’un groupe parmi tous ceux qui animent les bals et les fêtes, mais la personnalité de son fondateur fait la différence.

 

Malgré leur succès, il faut attendre les années cinquante pour que le groupe se produise de manière régulière à La Havane et enregistre ses premiers disques. Grâce à la mode du cha-cha-cha qui déferle sur le monde entier, les cubains ont le vent en poupe et l’Orquesta Aragon part tourner sur le continent américain (et plus particulièrement aux Etats-Unis). Mais, guerre froide oblige, le groupe se tourne vers les pays “amis” (Pologne, Allemagne de l’Est, URSS…) et l’Afrique noire. Il devient ainsi le premier groupe cubain à sillonner le continent noir de la Guinée à Zanzibar en passant par le Mali, le Sénégal, le Zaïre, le Ghana. On compte plus d’une vingtaine de pays africains où le nom Orquesta Aragon est à lui seul une légende.

 

Au passage, le répertoire du groupe se déleste de ses morceaux cha-cha-cha (en train de passer de mode) pour se convertir au mozan-cha (adapté du style mozambique), au cha-onda et même au rock avec le shake-cha. Au fil des années soixante-dix, ces musiciens cubains deviennent de plus en plus africains : ils reprennent des chansons connues “Muanga” du congolais Francklin Boukaka ou encore “Yake boy” du sénégalais Pape Seck et accompagnent même Labah Sosseh, le grand salséro sénégalais.

 

Leur popularité ne se démentit pas, bien que des charanga plus modernes et plus électriques arrivent sur le marché. L’Orquesta Aragon semble indestructible. Bien que Rafael Lay Apezteguia leader de la formation depuis 1948 (il y était entré comme violoniste prodige à l’âge de 13 ans) meure dans un accident de voiture en 1982, son fils Rafael Lay Bravo, violoniste lui aussi, reprend le flambeau).

 

Autre coup dur, le label d’état cubain Egrem cesse de les soutenir aussi intensément que par le passé. Qu’importe, les papys multiplient les tournées internationales pour gagner leur vie. Et avec un répertoire riche de plus de 700 chansons, ils ont de quoi faire danser les salles pendant encore plusieurs décennies.

 

Devenue au fil des années l’une des plus formidables institutions de la musique cubaine, cette charanga a été regagnée par la nouvelle génération, avec entre autres les fils de Rafael Lay, de Rafael Bacallao et de Pepe Palma. Elle demeure l’ambassadrice truculente de ce folklore authentiquement insulaire, nourri à toutes les influences qui se sont combinées dans le pays. Fidèles, encore et toujours, à leur histoire et à l’énergie créative de la Aragon ses musiciens équilibrent la relecture du patrimoine de l’Orquesta ou du répertoire cubain, et aiment par-dessus tout inviter de prestigieux solistes (Papa Wemba, Omara Portuondo, Cheo Feliciano).

 

Le rêve d’Oreste Aragon est une réalité depuis soixante-dix ans, et il n’a pas fini de nous faire aimer Cuba, sa musique et son peuple.

© Cityvox

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