Archive pour juillet 2008

MUSIQUE MILITANTE : SEUN KUTI

Lundi 21 juillet 2008

Seun, de son nom complet Oluseun Anikulapo Kuti, arrivera sur scène quand tous les 17 autres membres de son clan y seront. Impossible se dissocier l’authenticité du nom de l’artiste, le nom revisiter de l’orchestre ou du collectif ainsi que le nom du CD explosif, dans la pure tradition héritée de Fela Ransome Kuti, père mythique de cette famille de musique Funk, puissante expression de la révolte africaine face aux corruptions, face aux compromis et contre toutes les aliénations congénitales qui lient certains régimes africains aux éternels capitalistes et aux impérialistes de tout crin, sous toutes les latitudes. 

 

Il est indispensable de noter qu’en lever de rideau, le Groupe H’Sao nous a offert un concert d’environ une heure, de plaisirs, de voix nobles et harmonieuses. Un concert de musique nuancée et léchée support à des voix chorégraphiées en teintes traditionnelles mixées aux tonalités du « spoke word » et du slam urbain.

 

Pour revenir au show de Seun Kuti, les cuivres font l’intro, un à un les musiciens du clan Kuti atterrissent sur la scène du Métropolis. Musique mobile, musique croissante et d’une force qui martèle toutes les notes de la contestation et des luttes pour la justice. Musique qui s’enrichit, de percussions équatoriales, musique qui s’élève grâce aux arpèges des guitares solos et des basses rythmant les discours mélodiques comme autant de messages aux publics du monde.

 

Ce soir, Montréal danse dans la foulée de cette tradition du clan Kuti : la famille Kuti, originaire de la ville d’Abeokuta (comme celle du général dictateur Obasanjo), de même que celle du prix Nobel de littérature Wole Soyinka, qui est l’oncle et l’ami de Seun. Faisons un peu d’histoire. Bien avant de se refaire une virginité par les urnes, le Général Obasanjo, devenu président du Nigeria à l’issue d’un putsch en 1977, organisa aussitôt l’assaut meurtrier, par plus de mille hommes armés, contre la demeure de Fela, que ce dernier avait proclamé « République indépendante de Kalakuta », et où aujourd’hui encore vivent Seun Kuti et les musiciens de l’orchestre Egypt. 80.

 

La musique qui nous fait vibrer dans cette soirée chaude et sensuelle, est nourrie de tant de faits et de légende : la grand-mère de Seun, Funmilayo, était la plus célèbre militante des droits de l’homme et du féminisme au Nigeria. Elle est morte des suites de sa défenestration par les troupes d’Obasanjo.

 

La chanson satirique qui donne son titre à l’album, « Many Things » (« Nous avons fait beaucoup de choses ») démarre sur un extrait d’un discours enregistré d’Obasanjo. Elle résume bien le bilan des 30 ans de son règne en pointillé : « ils ont construit des ponts magnifiques, mais en dessous les gens n’ont toujours pas d’autre solution que de boire l’eau dans laquelle ils viennent de pisser ». De tels propos disent tout le désarroi ainsi que la nécessité de pouvoirs publics au service des peuples et la tragique absence d’une société civile authentique dans un système social démocratique. Seun, à vingt-cinq ans, est donc le digne héritier du militantisme irréductible de Fela Kuti. Il a d’ailleurs repris à son compte le deuxième prénom yoruba que s’était attribué son papa : Anikulapo («j’ai la mort dans mon carquois »).

 

Prenez et écoutez le disque « Many Things », une transe vous gagne, transe mentale et transe viscérale, transe des pulsions harmoniques et des cuivres, tambours et djembés qui enracinent une mélodie réaliste et efficace. Les chansons de Seun Kuti sont autant de flèches qui ne manqueront jamais leurs cibles : corrompus, corrupteurs, oppresseurs. À l’exception de l’érotique « Fire Dance », tous les titres de ce CD sont des pamphlets ravageurs contre la corruption et l’incurie des dirigeants africains : « Think Africa », «Many Things », « Na Oil », « African Problems ».

 

Seun participe aux côtés de Youssou N’Dour à un grand projet de lutte contre la malaria, et « Mosquito Song » explique que les gouvernements, par leur négligence en matière d’hygiène et en ignorant les besoins essentiels en soins de santé et de services sociaux des populations, sont responsables de ce fléau qui tue plus que le sida, la malaria. Au style de chant énergique et tonitruant de Fela, Seun ajoute une rage rythmique héritée du rap : il cite d’ailleurs parmi ses héros Chuck D, Dr Dre ou Eminem.

 

La magie de l’ « afrobeat » est en marche, cette machine délirante et implacable qui nous emporte sans qu’il soit possible d’y échapper ne fut-ce qu’une seconde. La section rythmique est vraiment saisissante : le bassiste Kayode Kuti (aucune parenté avec Seun) est l’une des surprises de ce CD ; quant au batteur, Ajayi Adebiyi, il n’a rien à envier aux plus grands du jazz contemporain. À l’instar d’un Al Foster ou d’un Paco Séry. Les deux guitaristes aux sons très contrastés - David Obanyedo et Alade Oluwagbemiga - tressent des riffs envoûtants qui servent de trame à l’ensemble. Les deux trompettistes - Emmanuel Kunnuji et Olugbade Okunade - sont d’excellents solistes (« Many Things », « Mosquito Song ».

 

Ainsi, dix ans après la mort de Fela, l’orchestre dont il était si fier lui survit, et il ne fait aucun doute qu’il serait heureux de ce qu’en a fait son fils, et du chanteur qu’il est devenu. Avec Seun, Egypt 80 est plus explosif que jamais avec ses combinaisons de cuivres, de claviers, de percussions, de guitares et de chœurs. Nous sommes parfois sous l’influence de la Rumba des années post deuxième guerre mondiale, nous vibrons aux accents du High Life des années soixante métissé de djou-djou Music à la King Sonny Adé.

Même s’il reprend des thèmes de son père dont certains inédits, n’ont jamais été enregistrés de son vivant, Seun Kuti innove avec ses propres compositions d’afro beat percutant additionné de hip hop et de rap. Ces dernières années, Seun qui a parfait ses connaissances musicales à Liverpool, a tourné un peu partout dans le monde.

Yves Alavo

ANDRÉ-MARIE TALLA, VIVRE LES RYTHMES

Jeudi 17 juillet 2008

Soirée de rythmes intenses du Festival international Nuits d’Afrique au Kola Note de l’avenue du Parc à Montréal. Toute la « colonie » camerounaise et certains membres issus de la communauté d’origine africaine ainsi que tous les mordus de rythmes et de danses se sont laissés porter par la vague créée par André-Marie Talla et ses musiciens. Accords parfaits, les langues, les mots, les circonstances, les échanges tout est fonction des rythmes, des mélodies que le génie de l’artiste nous offre. Une rigueur sans faille, la musique est première, il joue, des mains, avec ses dents, dans le dos, sur les épaules. Né le 29 octobre 1950 à Bandjoun dans l’Ouest du Cameroun, Tala connaît une série d’épreuves qui marquent sa vie et forge ce tempérament incroyable de détermination : il perd sa mère à l’âge de quatre ans et son père douze ans plus tard.  Deux drames qui s’inscrivent à jamais au cÅ“ur de son existence. Un autre événement, plus grave encore, se produit. À l’âge de quinze ans, il perd brutalement la vue (double décollement de la rétine). Recueilli par sa grand-mère, il se consacre dès lors à sa passion, la musique. Issu d’un milieu défavorisé, c’est avec du fil de fer qu’il fabrique sa première guitare sur laquelle il s’applique à imiter le plus fidèlement possible, tous les rythmes qui ont caressé son enfance. Il est direct : « Je n’ai jamais appris la musique à l’aide du braille mais à l’oreille. J’avais tout simplement besoin que l’on me demande de placer l’index dans tel cadre, l’annulaire dans tel autre… » . L’écouter parler de ses débuts, des conditions de vie de l’adolescent qui se bat pour réaliser ses rêves : « J’ai commencé à chanter en 1968-69, avec des débuts relativement corrects, dans le contexte africain, au Cameroun. Je n’avais pas de magnétophone, je ne connaissais pas le braille. Mais j’avais la passion, j’ai appris la guitare avec des amis. Quand on est jeune, on a une bonne mémoire pour tout retenir, ma cécité ne m’a pas longtemps gêné ». Sans pudeur, avec une lucidité exceptionnelle, André-Marie Talla explique : « Quand j’étais enfant, je jouais déjà de la musique avec tout ce que je trouvais, je faisais danser. Dès que j’ai perdu la vue, je suis allé voir mon oncle qui jouait de l’accordéon et de la flûte. J’ai baigné dans un environnement musical, à 17 ans je dirigeais mon propre orchestre. On écoutait toutes les musiques : rock, pop, rythm and blues, rythmes africains, je me suis imprégné de tout ça. Mon groupe interprétait toutes les tendances, du jazz au blues, de la pop à la variété… on se produisait six jours sur sept, tous les soirs de 21 heures à 3 heures, parfois 5 heures du matin. C’était une véritable école, un direct permanent avec le public, avec une interprétation qui devait se rapprocher le plus possible du disque et de la version originale des titres que l’on chantait. »  À vingt ans, sa rencontre avec Manu Dibango est déterminante. Manu lui conseille de se tourner vers les maisons de disques françaises. Toute la famille se cotise et il s’envole pour Paris. Claude François avec qui André-Marie Tala s’apprête à signer, décède. Quelques mois plus tard, il signe un contrat avec le label Decca. Tala compose alors les titres qui sont arrangés par Manu Dibango : “ Sikati ”, “ Potaksina ” et surtout “ Na Mala Ebolo ” (120 000 disques vendus) En 1973, il fait parler de lui avec l’album “ Hot Koki ”. Le titre porte la griffe de Slim Pezzin à qui tous les chanteurs français doivent un riff: Johnny Hallyday, Michael Sardou, Eddy Mitchell, Dick Rivers. Son succès est si grand que James Brown l’utilise. Le “ Hot Koki ” de Tala devient le “ The Hustle ” de ce roi de la soul qui bat des records de popularité.  En 1978, après quatre années d’âpres combats juridiques, la justice tranche en faveur d’André-Marie Tala. James Brown doit lui reverser la totalité de ses droits. « Il fallait du courage pour s´attaquer à ce monstre sacré, ce n´était pas facile de s’en prendre à un monument comme James Brown. De plus, personne ne me croyait. Il a fallu que des gens comme Georges Collinet (qui travaillait à l´époque à La voix de l´Amérique) montent au créneau en présentant les deux versions de la chanson Hot-koki, celle de James Brown et la mienne, pour que les Africains écrivent des milliers de courriers qu´on a déversé chez James Brown. Avec mon éditeur, on a engagé des poursuites et, au bout de quatre ans, on a gagné le procès… Il faut avouer que ce fut une étape marquante tout au début de ma carrière. Elle m’a aussitôt donné la parfaite mesure de mon talent et une vraie idée du monde de la musique ».  En 1974, il compose la bande originale du film Posse-Pousse du réalisateur camerounais Daniel Kamwa. Comparé depuis ses débuts à Stevie Wonder à cause de sa cécité, André-Marie Tala est un musicien hors du commun qui ne cesse de prôner les valeurs humaines de concorde, de paix et d’amour. Il est aussi le promoteur du Tchamassi, et le précurseur du Bend Skin. Guitariste hors pair, chanteur à l’œuvre riche et diversifié, compositeur aux réalisations musicales immenses et d’une qualité remarquable, Tala a été honoré, non sans raison, tout au long de sa carrière. Récipiendaire du prix de la jeune Chanson Française et du prix Kora du Meilleur artiste d’Afrique Centrale, il fut aussi lauréat de la première fête de la Francophonie. Avec plus d’une vingtaine d’albums au catalogue de sa discographie, André-Marie Tala, est l’un des artistes les plus piratés du Cameroun. Sans relâche, avec enthousiasme, une énergie a été partagée par tout le public, les jeunes et plus expérimentés, les danseuses de charme, les « puristes », les amateurs de rythmes afro mondes, les « fous » de la World, les stylistes négro-africains qui se meuvent en symbiose parfaite avec les notes, les fidèles des séquences de la guitare basse, celles et ceux qui suivent les volutes folles de la guitare de Talla : unanimité sur la piste, chants, frappes des mains, une fête de mélancolie et de danses sans transes dans une transcendance sublime.  Yves Alavo

IDIR, TRIOMPHE BERBÈRE ÉTERNEL

Lundi 14 juillet 2008

22e édition du Festival International Nuits d’Afrique de Montréal.

Concert d’ouverture

Festival international Nuits d’Afrique (FINA), IDIR au Québec, IDIR à Montréal, IDIR au Métropolis. Depuis 1999, alors que des amis dévoués et passionnés de culture Berbère (Marzouk et Lila) ont produit IDIR à la PDA (Place-des-arts), il n’était jamais venu, depuis cette soirée de l’autre siècle à Montréal. Dès l’ouverture de la salle, les places sont prises d’assaut. Pas de doute, le poète est connu, aimé, adulé. Il est présent dans les paroles et la musique du groupe de Karim, SYNCOP, qui assure le lever de rideau, l’espace du Métropolis est déjà prêt. Salle comble, vibrante et offerte en gerbes, dont celles formées par les membres de la communauté d’origine algérienne, sont épanouies. Lieu et sommet des retrouvailles. Tout dit l’accueil et la grâce. 21 h 15 minutes. Annonce. IDIR est précédé de ses musiciens, 7 spécialistes, instrumentistes, humanistes à son contact, je crois. Comme IDIR, ils vont agir, accorder leur énergie et mettre au service de la poésie, les univers de chaque œuvre, de chaque émotion, de chaque ambiance créatrice. La mémoire travaille dans le tissu fin des sons et des rimes, des idées-forces, sous l’inspiration et avec le timbre cordial du poète suprême : IDIR. Les médias écrivent, en somme de lui, qu’il est : Sommité de la chanson kabyle, sa voix d’or et ses tubes planétaires d’homme libre triomphent. Ses mélodies d’amour et d’exil aux guitares folk font rire, pleurer et danser en un concert ultime ! Fleurs et étoiles, le conte céleste des proto-méditerranéens est apparu au firmament de nos imaginaires. IDIR vogue sur la cime des cœurs unis aux divinités Kabyles, Tamazigh littéraire et paroles de bergers…de Tizi Ouzou, de Béjaïa, de toutes les conférences familiales. La musique s’harmonise aux évocations, elle glisse avec les nuages, les orages, les émotions. Les mères sont chantées, figures consubstantielles à nos êtres totaux, sous la voûte bleue des projecteurs, elles sont invoquées. La bénédiction advient. Titre après titre, jusqu’à Aya vava Inouva, en passant par Lettre à ma fille, moment de très grande émotion; les paroles sont reprises ou simplement dites par la foule des plus de mille voix. Communion, poésie abondante, sentiments intimes et accolades des sensualités nobles, sublime apocalypse de la grâce. De nombreux rappels dont deux supers. L’ovation debout dure de longues séquences. Toute la « messe » du concert. Tant de frappes, tant d’applaudissements, tant de you you de femmes généreuses, tant de rêves éveillés, tant de joies communes, de souhaits énergiques. La Voix de l’étoile de la liberté et de l’amour fou, IDIR, est à son apogée.  IDIR fait verser des larmes quand il dit l’intime psaume Lettre à ma fille « il ya des choses que chez nous on ne dit pas… ». La danse est perpétuelle, les rires spirituels, les cœurs s’ouvrent. Il est pourtant venu le temps de se quitter. IDIR, la poésie, la musique (flûte et guitares, percussions) et la constellation Kabyle, Berbère, Tamazigh; triomphent pour l’éternité. Yves Alavo

 

 

MENWAR GRIOT DU SAGAÏ

Lundi 14 juillet 2008

Espace vital comble, le Balattou au zénith de tout ce que Montréal compte de ressortissants de l’Océan Indien. Maurice est à l’honneur. Ce maître sorcier qui a fait connaissance avec les artistes en exil sur tous les continents, cet homme au contact vrai et sincère, au regard intérieur, au calme angoissant et à l’esprit artistique d’abord, est un griot du Sagaï créole. Des paroles aux accents qui trainent et enchantent, sous des courges et de la chayotte, volcan rythmique, percussions lascives et environnementales, les esprits planent et se reposent dans cette ambiance poétique et parfois « funk » et « soul » et « reggae » des âmes, harmonie Ravanne aux accords uniques. Menwar, seul. Univers riche et poétique, il vit les notes, surgit le pouls océanique, les fruits sonores des mers antiques, les gerbes de couleurs diachroniques, sur des gammes d’épines et de soie, des portées révolutionnaires et sensuelles. Les revendications secrètes, les éclats célestes que véhiculent les « divinités » subéquatoriales, opèrent. Ces dix dernières années Menwar a retrouvé ses marques, voici ce qu’en disent les cahiers du Festival : En 1998, après 14 ans de vide discographique, Menwar sort un premier CD, «Pop Lékonomi» Puis, il fait éditer un livre accompagné d’une cassette pour enseigner sa méthode révolutionnaire de la Ravanne. Il peaufine son style et sort en 2002 “Leko Rivyer Nwar” et présente Sagaï, une énergie musicale qui transperce l’âme. Style où prédominent les sons acoustiques et les percussions, il invente même des instruments originaux à partir de coques de pistaches et de tiges de fleurs de canne. C’est l’aboutissement d’un long parcours musical et le couronnement d’une carrière peu commune. Le Sagaï propulse Menwar au Festival “Musiques Métisses d’Angoulême“, aux Mayottes, en Afrique du Sud, à la Réunion pour les festivals “Sakifo” et dans les autres îles de l’Océan Indien. En 2006, avec la sortie réussie de son album Ay Ay Lolo, Menwar est encensé dans la presse française. « Prophète d’un « sagaï » dansant sur fonds soul et funk qui incendie la France, ce griot créole venu d’Afrique et virtuose de Ravanne, fait penser à Bob Marley ». Menwar, chef de clan, tous, instrumentistes, instruments, femme qui danse, hommes de tous les « spermes virtuels et spirituels », la cavalcade des sons et des notes coule. Tonnerre, éclairs visuels, sujets en transe, notes rebelles, la musique accouche de tous ses fous désirs. Passion bouillonne, amours tectoniques, angoisse volcanique baignée d’une générosité sans limite. Autant d’offrandes et de libations pour éloigner les fureurs démoniaques. La Caravane divine descend sur nous. Les Productions Nuits d’Afrique ont réussi, pour cette 22e édition du Festival international Nuits d’Afrique, un coup de maître, comme elles savent faire naître les rencontres fécondes à l’instar des « Poupées Ashanti ». Vive l’Exil Menwar.  Yves Alavo.

DOBET GNAHORÉ, FÉLINE DIVA

Samedi 12 juillet 2008

Elle est vêtue d’un ensemble conçu pour elle, pantalon ample d’acrobate, haut en bogolan malien, aux volants unis noirs agrémentés de bijoux en cuivre et métaux ocre, rouges, en guise de ceinture, comme un collier de taille. Chaussures de fée, souples, noires, élégantes et pratiques aux pointes fines car elle danse avec une telle agilité, en sauts et bondissements semblable `une tigresse de Bengale. Dobet Gnahoré chante d’une voix chaude, ample, riche, veloutée et, pour son jeune âge (26 ans), elle vibre d’un timbre d’une maturité si dense, qu’elle ajoute même à son allure conquérante, l’aura d’une diva dans la majesté de l’expression. Telle est la mystérieuse fibre dont est constituée cette artiste panafricaine qui allume un feu sacré sur son passage. Les propos résumés dans le quotidien Le Monde, en 2007, « Bouillonnante, regard habité, timbre persuasif, corps possédé par le rythme: Dobet Gnahoré, 24 ans, possède sur scène une présence conquérante. » . Après Ano Neko, un premier album remarqué en 2004, c’est le 8 septembre dernier (2007), pour la toute première fois au Canada, au Kola Note, que la jeune chanteuse ivoirienne présentait son deuxième album, Na Afriki. Avec une formation panafricaine composée d’un tunisien à la basse, d’un ivoirien aux percussions, d’un sud-africain aux voix, et de Colin Laroche de Féline, son époux français à la guitare, le spectacle de Dobet recevait du public impatient de l’écouter, un accueil plus chaleureux que jamais! Cette fois elle est présente avec Colin Laroche de Féline, son époux français à la guitare, Hamid Gribi, d’origine tunisienne à la basse et aux voix, il chante si superbement aussi en solo certains morceaux qui enchantent le public et le percussionniste ivoirien dont le style à la batterie ravit tout le monde. Ce mardi 8 juillet 2008 (8-7-8), le Kola Note est en extase face à ce quatuor d’artistes hors pair sur scène. Quel son, quelle coordination, des voix riches en soutien et en coopération harmonique sublime. Une démonstration de haut niveau du génie des muses africaines : chant profond, enraciné dans les traditions. Lorsque Dobet chante en bambara, en mina, en lingala, en baoulé, en malinké, en bété, en wolof, en fon et en français; lorsque d’une époustouflante dextérité elle passe de la sanza au hudu, du balafon aux bongos, ou de la calebasse au djembé; et lorsqu’elle s’exécute sur ses mélodies mandingues, ses ballades sénégalaises, ses cadences bétés, son ziglibiti ivoirien, son bikutsi camerounais, sa rumba congolaise, son highlife ghanéen, ses chœurs zoulous ou pygmées; sur tous ces rythmes traditionnels africains réinventés et voilés de jazz, de bossa-nova, de funk, de rock et de rap-jazz, c’est son être tout entier de panafricaine convaincue qui prend feu. Dobet est l’ambassadrice atypique d’une nouvelle génération de stars dont le souffle puissant, et l’énergie musclée, avec la musique dans le sang, capable d’enflammer toutes les scènes. Elle nous fait aussi goûter à des moments d’intense intimité qui nous emportent aux confins de ses sentiments. C’est au plus profond du sol et de son âme, qu’elle semble puiser cette force incroyable et attachante. Une force peu commune qu’elle propage autour d’elle et qui atteint le public au point qu’il ne puisse résister. Tous, en transe, nous finissons par nous lever, en frappant dans nos mains, en dansant avec elle… Ivresse d’un instant à ne pas manquer! Échanges avec le public, mots du cœur et mélodies où sont évoqués les « pillage », « la mère Afrique », « la mère émotive et affective », « l’or du continent », « les politiciens fossoyeurs et profiteurs », les compositions se succèdent, deux sets de cinquante minutes. Une soirée qui file tant l’enchantement est constant. Danses de tous les exploits, sauts dans l’espace et traversées des cultes et des cultures. Dobet est reine souple, unique et sans cesse renouvelée. Style de grâce et d’énergie, souvent loin de la féminité, mais affirmé dans la force expressive qui transcende les genres. Pour nous confirmer sa perspective, elle nous confie : « Je ne suis ni française, ni anglaise, ni même ivoirienne. Je suis africaine et métisse de toute façon ! Ma mère est ghanéenne, mon père ivoirien. J’ai grandi dans un village panafricain. ». Yves ALAVO 

LUIS QUEQUEZANA JAIMES, LUCHO CRÉATEUR INTERCULTUREL

Jeudi 10 juillet 2008

L’artiste est musicien, multi instrumentiste, auteur, compositeur dans l’usage des sons, dans l’usage et la confection des images et par la mise au monde de l’univers interculturel vivant. Surgissent des cordes (zampona, guitarra), des flûtes, du cajon (percussions), <los sonidos vivos de siempre>. UNIVERS INTERCULTUREL. Avec ses conceptions, ses rêves et des créations, depuis bientôt quinze années, « Lucho » sur presque tous les continents (Europe, Asie, Amérique), en donnant à tous les sons andins revisités, Luis Quequezana crée la nouvelle Renaissance qui lui vaut l’admiration et le respect des professionnels des arts et de la culture.

Bain d’amour, rythmes universels, sons des secrets des civilisations ancestrales et des esprits de demain, la musique de LUCHO est comme la lueur de la lune, comme les rayons solaires, énergie nouvelle et composition profonde des ondes interculturelles qui embrassent toutes les cultures. Cette approche est aussi et d’abord une mélodie des images, picto-sons, un film qui unit les images du monde et les sons intimes de nos imaginaires culturels. Champion de la cinématographie en courts-métrages, Luis Quequezana est le roi des univers fluides qui marient images et sons, voir sa musique et se laisser bercer par les sons qu’il invente de manière perpétuelle.

Lucho vient de recevoir le prix national de cinématographie du Pérou ce qui va lui donner les moyens de pouvoir assurer la production du Sonidos Vivos, le film sur la musique métisse. Bravo. Toute cette aventure est due à Musique Multi Montréal qui a permis à Lucho d’avoir la bourse UNESCO avec laquelle il est venu à Montréal écrire, produire et réaliser avec d’autres artistes de chez nous les spectacles du Festival des Musiques et du Monde en 2006.

Yves ALAVO

BAMBARA TRANS, UNE OASIS DE MONTRÉAL AU MONDE

Mercredi 9 juillet 2008

La fête est magique, la salle, le salon, la boîte mythique du Balattou, ce lundi 7 juillet 2008, 07-07-08, vibre d’intenses émotions et de larges souffles d’énergie sublime, le lancement, la musique du CD de Bambara Trans, KHALOUNA, exultent dans cette oasis virtuelle. Le peuple métis, les amoureux de l’Afrobeat, du reggae, de la fusion, d’une salsa Gnawa aux accords futuristes, flambent unis et divers. Sons des cuivres, guitares sorcières, voix harmonique et diachronique et voix rauque mélodique du maestro Khalil Abouabdelmajid, percussions nègres et suaves, sensuel saxophone et trombone mystérieux, c’est la consécration du groove supérieur. Musique actuelle et jaillie pour nos espoirs à naître.

Paroles de vie et en langues si humaines et si tendres aux oreilles, verbe qui chante et offre une généreuse énergie, une invitation au partage, une sonorité qui plante les nostalgies et ouvre des espaces de paix infinie. Les notes, les accents de rêve et les mélodies désertiques soignent nos âmes éternellement. Les voix sont chaleureuses, sensuelles et envoûtantes. Les productions Nuits d’Afrique, Musique Multi Montréal, comme une avancée pour la mise au monde des Productions Bambara Trans. Bravo.

Seconde après seconde, la danse des notes habite chacun, la danse des sons enveloppe les âmes et fait surgir l’esprit créatif. KHALOUNA. Procurez-vous le CD. Écoutez, vivez et partez en expédition intérieure avec la première aventure du disque Afrobambara. Onze minutes de voyage trans-créatif. Il s’agit de la vie, des actions qui portent à réfléchir. Pas d’analyse, des rythmes, des paroles en or, des sons rassembleurs, des interactions comme dans Hijab, chocs de sons et confrontation des sentiments, mélodies vertes et fortes qui explosent en un bouquet semblables à ceux des décors des palais anciens. La mer est présente rassurante, fusion profonde des musiques unies et progressives. Or des sons, argent des teintes, couleurs de cuivre, musique universelle qui attend son heure et qui va connaître la consécration mondiale. Allez, jouez musiciens de Bambara Trans, vous avez le monde à vous.

La pochette, l’habit du CD, design de Mehdi Benboubakeur : caravane urbaine dans un centre Montréalais aux ocres, sables et vents de passion, dit cette soif de vivre et de créer. Vive Bambara Trans.

 

Yves Alavo